Actualités / 3 décembre, 2012

Tchad, désert passion…sauf pour le cram-cram !

Tiens, est-il possible que Tekenessi n’aime pas un petit quelque chose au Sahara ?

Et bien oui !

Et encore quand je dis, ou écris ne pas aimer, c’est un bien grand mot. Mais je dois avouer que le cram-cram fait partie de ces inventions du monde végétal qui me laisse un sentiment assez négatif de l’évolution.

Il faut bien entendu se défendre des prédateurs et trouver un moyen de pérenniser les graines. Le cram-cram a réuni ces deux notions essentielles en adoptant le  » tout piquant  » pour pouvoir survivre.

Je vous présente donc le Cenchrus biflorus :

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Voici le coupable…il n’a l’air de rien comme cela !

C’est une herbacée (graminée) de la famille des Poaceae, elle peut atteindre 100 cm de haut et possède de petites épines de 5 mm de long. C’est une plante annuelle.

Elle est adaptée aux zones tropicales chaudes et sèches et se rencontre généralement sur les sols sableux, on peut la retrouver jusqu’au Pakistan

Du côté de l’Afrique elle sert d’indicateur pour délimiter le Sahel du Sahara. Une grande partie de l’Ennedi peut donc être considérée comme Sahélienne

Le cram-cram est un bon pâturage et s’utilise aussi sous forme de foin et d’ensilage. Il se maintient pendant presque toute la saison sèche et constitue une ressource fourragère non négligeable.

Lors d’un futur trek dans l’Ennedi, après une bonne saison des pluies, vous en trouverez des clairs et des noirs, beaucoup plus agressifs.

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Carte mondiale de la répartition de Cenchrus biflorus et encore il manque le Tchad… © Bryan Kenneth Simon

Graines :

J’avoue que de mon point de vue je ne vais pas toucher aux graines qui sont camouflées dans un bosquet d’épines.

Mais cela n’est pas le cas de tout le monde. Les graines du cram-cram sont riches en graisse et en protéines. Mais ces dernières sont difficilement assimilées par l’organisme humain. Les incorporer dans du lait ou dans une sauce où elles servent de farine est une nécessité.

Les trois recettes principales sont :

  • crème à la farine (non cuite)
  • bouillie de cram-cram pillé
  • gruau

Elles sont sensibles à la chaleur une fois récoltées, il faut donc les consommer dans les 2 ou 3 mois.

Cette récolte demande beaucoup d’effort et pour un jour de travail on peut compter sur 2 jours de nourriture. Comme toute céréale, il faut couper et battre les épis pour extraire les graines qui sont bien à l’abri dans leur forteresse d’épines. Mais, c’est tout de même un complément de nourriture non négligeable dans le Sahara et le Sahel.

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Les dunes et le sable ne sont pas épargnés cette année.
Mais le bétail y trouve une nourriture en quantité et qualité
.

Défenses :

La graine est bien cachée au cœur de petits piques qui s’accrochent quasiment à tout (sauf au pantalon en tissage des années 1990…) et viennent rapidement s’infiltrer dans la peau. On sent bien qu’il y a quelque chose, mais on ne le voit pas très bien. Pour ceux qui ont touché, par mégarde, le fruit du figuier de Barbarie savent de quoi je parle.

Vous en avez rapidement d’accrochés des lacets au pantalon, ne vous inquiétez pas si vous croisez des randonneurs en guêtres dans le Sahara.

Mais le plus gênant est sa dissémination sur tous les supports, du t-shirt au matelas en passant par le duvet…que du bonheur.

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Les lacets ne résistent pas…

Le cram-cram est aussi présent dans les récits et romans qui touchent au Sahara, et ce depuis longtemps. Je vous invite à parcourir ces trois textes :

  • Au-delà du ruisseau, mes guides changèrent de direction, nous fîmes cinq milles à l’E., sur un terrain couvert de khakhames, qui m’incommodèrent beaucoup. (René Caillé, Journal d’un voyage à Temboctou et à Jenné dans l’Afrique centrale)
  • Les clairières éteintes couvertes d’un épais tapis de graminées semant à tous vents leurs graines hérissées de minuscules piquants. Ceux-ci s’accrochent partout aux vêtements du marcheur mais surtout à ses pieds nus dans les sandales ; très fines, les aiguilles du cram-cram pénètrent sous la peau à la façon des piquants d’oursin et rendent la marche extrêmement douloureuse. (Roger Frison-Roche, L’esclave de Dieu)
  • Je me reverrai toujours, au retour de ce pieux pèlerinage, sautillant pieds nus dans des touffes de cram-cram, généreusement chargées d’épillets mûrs à point aux mille aiguillons barbelés, les poches gonflées d’excréments secs et crayeux de crocodiles en guise de pièces à conviction. (Théodore Monod, Méharées)

Si vous voulez en savoir un peu plus, vous avez deux livres à votre disposition :

  • Moissons du désert : utilisation des ressources naturelles en période de famine au Sahara central, Marceau Gast
  • ‪Les plantes sauvages du Sahel malien‬ : les stratégies d’adaptation à la sécheresse des Sahéliens‬, ‪Gunnvor Berge‬, ‪Drissa Diallo‬, ‪Britt Hveem‬

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Voilà, vous en savez un peu plus sur cette plante qui peut parfois nous laisser un souvenir cutané de notre passage au Tchad.

Mais la beauté du paysage dans lequel nous évoluons ainsi que les rencontres avec ces nomades Toubous, nous font vite fait oublier ce petit élément perturbateur…

Véritable champs cette année.

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laurent.arabe